Nous avons parcouru à plusieurs reprises les voies parallèles à l’autoroute A7, la ligne de séparation entre la ville de Valence et le fleuve Rhône, cherchant en elle des brèches ; un petit tunnel (Avenue de la Comète) qui passe sous l’autoroute, aux pieds du parc public Jouvet, constitue l’unique passage pour accéder directement de la ville de Valence au fleuve. Ce tunnel nous est apparu rapidement comme un mince et fragile cordon ombilical.
Clairement, nous avons immédiatement voulu réactiver le lien entre la ville et son fleuve, à travers une série d’interventions et d’installations rendant visible une relation aujourd’hui invisible, occultée par oubli ou indifférence.
Dans la salle d’exposition d’art3, une unique installation s’étend entre les deux salles : l’entrée et la salle principale. Le choix conceptuel fut celui de ramener physiquement le fleuve à l’intérieur de l’espace, permettant au public d’entrer en relation directe avec l’eau : nous ne voulions pas évoquer le Rhône à l’aide du son, des images, ou toute autre représentation, mais l’envisagions comme un facteur de revitalisation de l’espace d’exposition.
Un bassin contenant l’eau du Rhône, transportée collectivement durant une performance inaugurale, alimenta un unique système hydraulique innervant les espaces d’exposition. Sa substance propre – l’eau, oxygénée grâce au système hydraulique – a pris des formes distinctes dans les deux espaces d’exposition, créant ainsi une situation double au caractère antithétique.
Dans la salle principale, l’installation Fontana dei 19 gradini (Fontaine aux 19 paliers) est conçue comme un plan topographique en trois dimensions dont le graphisme abstrait suivrait le parcours du Rhône, depuis sa source au Lac Léman de Genève jusqu’à la mer Méditerranée.
L’installation a l’aspect d’un paysage virtuel, froid et immatériel ; tous les éléments utilisés sont de nos jours des objets de consommation courants, achetés dans un supermarché : boite en plastique pour vêtements, tube d’œnologie, raccords pour les systèmes d’irrigation, bassin préfabriqué pour les mares de jardins… Une pompe hydraulique alimente un des conteneurs placé au niveau le plus élevé. Par sa simple chute, l’eau alimente un réseau la ramenant en fin de course dans le bassin d’alimentation. Le son de l’eau emplit tout l’espace, ravivant l’atmosphère, mais le système qui le produit transmet visuellement une sensation de contrainte et de contrôle.
A partir de ce principal réseau d’alimentation, un système secondaire irrigue la salle à l’entrée. La source (Fonte) prend l’aspect d’une sculpture précieuse et évoque une source baptismale. L’eau s’écoule d’un objet en plomb dont la forme est le résultat imprévisible de la solidification instantanée d’une coulée de plomb en fusion dans de l’eau froide.
Lors des jours précédant le vernissage, des images ont été disséminées dans Valence, contaminant ainsi la ville. Chaque jour, une image différente a été distribuée ou est mystérieusement apparue la nuit à divers endroits de la ville. Ces images provenaient d’archives photographiques et vidéo, accumulées durant ces mois de recherche. Comme les images subliminales d’un film, ces apparitions fugaces laissaient présager un événement imminent, sans préciser de quoi il s’agissait. Au dos de l’image distribuée le dernier jour, était indiqué : “Rendez-vous au Tunnel, 22 septembre 2011 à 16h. Munissez-vous d’un seau (environ 10 litres)”.