George Trakas
Le Parc naturel régional du Pilat est particulièrement attentif à la zone protégée des crêts, cœur géographique et identitaire du massif, vaste secteur peu habité, à la silhouette emblématique ayant pour vocation de rester un espace de nature préservée, gérée durablement. Ce site fait l’objet de mesures visant à la réimplantation de pratiques sylvicoles et agricoles adaptées et au développement d’un tourisme doux,non polluant,maîtrisé. Néanmoins, les équipements existants ou à venir sur ces espaces identifiés comme «remarquables», peuvent provoquer des effets contraires à ceux escomptés et l’attitude consumériste des touristes,conduit parfois à une dégradation de certains de ces lieux.
Après avoir arpenté la zone des crêtes, George Trakas a choisi de proposer une intervention sur le site du col du Gratteau. Un espace assez vaste en bordure de la route fait office de parking pour les randonneurs,mais c’est aussi un remblai aménagé par la DDE de la Loire pour y déposer du matériel. Ce lieu a retenu l’attention de George Trakas pour deux raisons. La première est que cet endroit offre un point de vue exceptionnel sur le paysage eten particulier sur les «Trois Dents»,site emblématique du Parc. La seconde est qu’il en part un ancien sentier de chasseurs qui conduit en ligne droite vers les Trois Dents. Au bord du remblai, côté paysage, George Trakas a construit une structure composée de six plateformes métalliques habillées de bois brut et bordées côté parking d’une rambarde également en métal habillé de bois,comme une promenade qui permet la contemplation du paysage et qu’il a appelé «Quai des trois Dents». On peut s’y asseoir, un aménagement est prévu à cet effet face au paysage. Cette passerelle aboutit à des marches métalliques qui épousent la pente et amènent au départ du sentier,la seconde partie de l’œuvre de George Trakas. Ce sentier était délaissé, il a la particularité de traverser des lieux dont les caractéristiques géologiques et végétales sont très représentatives de la zone des crêtes. George Trakas a permis qu’il soit réouvert, retravaillant lui-même le tracé, y introduisant quelques signes subtils de son passage en lien avec les matériaux du «quai », engageant le corps du marcheur/spectateur dans une relation forte avec le paysage. Le «Quai des trois dents» est une sculpture que George Trakas a conçue comme un aménagement de cet espace sans qualité ni véritable affectation, lui apportant une présence et une intensité qui force le visiteur à faire l’expérience de ce lieu et de son rapport au paysage.
Patrick Corillon
Surplombant les grandes vallées urbaines,la zone des «balcons»,où s’organise la vie sociale et économique du Parc naturel régional du Pilat, souligne l’une de ses particularités, à savoir son passé industriel dans le domaine du textile, de la passementerie et du tissage,qui connut son plein essor au XIXe siècle. Une architecture industrielle à forte présence,s ymbole d’une histoire récente et parfois source de nostalgie, voisine avec des espaces préservés dits «de pleine nature». Les habitants,selon leur attachement à l’histoire de ce passé industriel, participent donc de façon sensiblement différente aux transformations de leur paysage.
Pour répondre à cette demande Patrick Corillon réalise un livre où il évoque le passé industriel du Pilat dans ce qui le lie au paysage. Dans un premier temps Patrick Corillon évoque la période de vie des ouvrières travaillant dans les ateliers.Leurs regards parfois se perdaient dans les taches d’huile qui imprégnaient le bois des planchers pour les amener vers la vision de paysages familiers. Le lecteur est invité à plonger dans une première série de dessins, sombres, inspirés des veines du bois imprégné d’huile, et à y circuler selon sa propre expérience ou sa connaissance des lieux.
Le deuxième chapitre correspond au passé industriel révolu. Les mêmes personnes redécouvrant les lieux, retrouvent furtivement le souvenir de l’évocation de ces paysages dans un éclat de lumière sur les craquelures de la peinture des murs.Cette seconde série de dessins, plus légers, amènent le lecteur à parcourir des moments et des lieux familiers. Patrick Corillon construit son livre comme une promenade, une découverte des paysages dans la matière et les matériaux auxquels répond la diversité des papiers utilisés pour sa réalisation.
Des noms de lieux jouent avec les dessins, apparaissent, disparaissent, évocateurs d’endroits connus pour les uns,ils sont sonores et poétiques pour les autres. Sorte de «boîte mentale du paysage», le livre de Patrick Corillon explore la fragilité de ce qui fait exister le paysage : un moment, la rencontre d’un rayon de soleil et d’une tache d’huile, le reflet de la fenêtre sur des craquelures. Le passé, pour certains empreint de nostalgie, fait écho aux moments présents à la fois souvenirs d’autrefois et découverte de lieux et d’autres paysages.
Lois et Franziska Weinberger
Le Parc naturel régional du Pilat mène une réflexion sur ses «lisières», espaces situés aux portes de grandes agglomérations comme Lyon, Saint-Etienne ou Givors, longés par le couloir de circulation rhodanien et marqués par la présence de grands sites industriels. Les réglementations qu’impose la charte d’un parc naturel sont directement confrontées à la pression créée par l’accroissement économique, démographique ou industriel de la région. Néanmoins, un dialogue s’instaure, des paysages se construisent et les rapports que les hommes entretiennent avec la nature génèrent de nouveaux modes de représentation.
Lois et Franziska Weinberger développent un travail qui, par une approche poétique, réinterroge et explore les lisières mouvantes et souvent indécises entre nature et culture, artificiel et naturel. Sollicités pour travailler sur la zone de «frontière» du parc du Pilat, entre le massif rural et la ville, leur intervention a lieu dans un espace protégé «le bois d’Avaize» espace de nature dans la zone urbaine, extérieure au territoire du parc mais incluse dans son champ d’action. Ils ont choisi de parsemer cette zone d’une vingtaine de plaques, comportant des textes ou des dessins évoquant des plantes rudérales. Ils focalisent notre attention sur les espaces de ruptures urbaines, de discontinuité, de césures, où la culture etla nature se recouvrent en construisant une relation quasi symbiotique. En pointant ces zones en marge, le plus souvent abandonnées, ne devant leur existence propre qu’à une forme d’indifférence, Lois et Franziska Weinberger soulignent l’apparition d’une nature reléguée au second plan et non plus centrale et idéalisée, mais parfois hybride, insaisissable ou hostile,mais qu’ils accueillent dans sa singularité.