Sur des tables sont présentés d’étranges objets en verre. Ceux-ci semblent groupés par familles, ni vraiment classés par taille, ni par couleur, juste assemblés en attente d’une destination claire.
Le titre de l’exposition de Denis Savary (artiste suisse né en 1981, vivant et travaillant à Genève) nous suggère a priori d’inclure ces objets à une extension de l’archéologie. Certes ces baudruches de verre peuvent évoquer des reliques d’obscures pratiques, d’ancestraux éléments rituels ou une série d’objets à l’usage effacé, semblables à ceux que l’on peut trouver derrière les vitrines des musées d’antiquités, mais, pourtant, la quinzaine de globuleux objets nous apparait familière.
Ils ont des teintes de bouteilles, passant du vert à l’ambré, et leurs formes semblent zoomorphes. Nous pourrions les prendre pour des agrandissements d’unicellulaires ou de visqueux micro-organismes. Ces membranes sans noyau que le verre a figés gonflées paraissent flotter dans l’espace. Peut-être pourrions-nous y lire une évocation de nos fantômes domestiques, qui tels des incubes ou des succubes, abuseraient de nous durant notre sommeil, posant sur nous durant la nuit leurs translucides structures vides aux couleurs de certaines de nos ivresses. Ils rejoindraient, alors, une vaste galerie de figures atemporelles, dont l’artiste peuple les lieux d’exposition. Le public attentif reconnaîtra en eux un caractère d’étrangeté commun avec de curieuses sculptures, d’apparentes anecdotiques saynètes filmées et d’elliptiques dessins qui sont propres à son vocabulaire.
Denis Savary rappelle, ainsi, au public que tel Tagès, génial enfant né vieillard chauve de la mythologie étrusque, les artistes s’emploient à produire des récits catalysant la pragmatique brutalité de notre réalité.
Samuel Gross est directeur artistique de la Fondation Speerstra, Apples, Suisse.