Judith Yacar / Dorothea Schultz

La chambre-installation que Dorothea Schulz nous invite à pénétrer n’est pas une reconstitution réaliste ou vraisemblable de l’endroit où l’artiste a réellement « appris la langue française ». Il s’agit plutôt d’un espace à la fois imaginaire et métaphorique.
Dorothea Schulz est allemande, elle vit et travaille à Stuttgart et ne disposait à son arrivée à art3 que des connaissances très élémentaires de la langue française, à peine de quoi se faire comprendre chez le boucher. Son projet artistique fut dès lors de mettre à profit son séjour pour apprendre, selon une méthode très personnelle, le français. Cette première étape du projet, elle l’a intitulée « Enseignez-moi votre langue, s’il vous plaît ». Transformant ses interlocuteurs, issus des horizons les plus divers, en « enseignants », elle a ainsi choisi de systématiser l’arbitraire de tout apprentissage d’une langue étrangère. Surtout, elle s’est par là même livrée à un exercice inhabituel pour un artiste dont le champ d’expression coutumier est le visuel, car son effort s’est dès lors concentré sur son sens auditif, à l’écoute de tous les stimuli linguistiques qui lui parvenaient sous la forme de signaux sonores, cours de ses « enseignants », radio, bouts de conversation interceptés au hasard. Autrement dit, son rapport à l’espace comme champ d’action privilégié s’en trouvait bouleversé et c’est de ce bouleversement que Dorothea Schulz choisit de rendre compte paradoxalement par la visualisation-mise en scène d’un lieu, d’une « chambre ». Le choix du mot « chambre », qui se retrouve dans le titre de l’exposition
La Chambre dans laquelle j’ai appris la langue français n’est évidemment pas anodin. Il sert à attirer l’attention du spectateur francophone d’une part sur l’origine allemande de l’artiste (un germanisme fréquent consiste à dire « chambre » pour « pièce »), et d’autre part sur la polysémie du mot. A l’évocation du mot « chambre », on peut indifféremment penser à l’espace polyvalent qu’est par exemple la chambre d’enfant, lieu d’individuation par excellence (où l’on peut aussi bien faire ses devoirs que jouer, bouder, pleurer, s’enfermer…), mais aussi à la chambre à coucher, lieu de la plus profonde intimité. Dans la langue française, la chambre c’est aussi le lieu de la révélation, le lieu qui rend possible l’image visuelle, qu’on pense à des expressions comme « chambre noire » ou « chambre de l’œil » qui désigne l’espace entre l’iris et la cornée, autrement dit, le lieu de l’obscurité qui seul rend la lumière possible. La chambre de Dorothea Schulz est aussi un de ces espaces de visualisation métaphorique. Elle révèle au spectateur francophone une partie de sa propre langue qui lui reste cachée par excès d’habitude en même temps qu’elle lui livre l’espace intérieur de l’artiste.
L’exposition est accompagnée d’un livre, qui constitue le troisième volet du projet de Dorothea Schulz, à la fois objet à part entière et partie intégrante du projet global, qui s’intitule : Apprendre le français. Judith Yacar

 

 

Dorothea Schultz est née en 1965. Elle vit et travaille à Stuttgart.
Etudes
1982 – 1987 Kunsterziehung, Staatliche Akademie der Bildenden Künste, Stuttgart sous la tutelle du professeur KRH Sonderborg
1985 – 1988 Studium der Germanistik, Universität Stuttgart (Wiss. Beifach der Kunsterziehung)
1988 – 1989 Staatliche Akademie der Bildenden Künste, Stuttgart
Sous la tutelle du professeur KRH Sonderborg
Depuis 1995 à enseigné à la Staatlichen Akademie der Bildenden Künste, Stuttgart et au sein de la section Design Graphique de Pforzheim, Grundlagen der Gestaltung, ,Visuelle Kommunikation
Bourses
2000 Bourse de séjour à Valence (trois mois) – Ministeriums für Wissenschaft und Kunst (Baden-Württemberg)
1998 Bourse de séjour à Strasbourg (3 mois) – Ministerium für Wissenschaft und Künst (Baden-Württemberg)
1993 Bourse arts plastiques à Lüdenscheid (12 mois)
1992 Séjour de trois mois à Florence
1991 – 1992 Bourse de séjour à Brooklyn/New York (12 mois) – Ministeriums für Wissenschaft und Kunst, Baden-Württemberg
Expositions (sélection)
2001 « La chambre dans laquelle j’ai appris la langue française », musée de Valence (Exposition personnelle)
1999 « La Couleur de la Bière », CEEAC, Strasbourg (Exposition personnelle)
« Die Kinder der Männer und Frauen von PSR 16 20 20″, Galerie d. Stadt Backnang (mit Olaf Probst)
1998 Projekt « Kunst am Bau », Württ. Versicherung, Stuttgart (Bodengestaltung des Atriums)
« Es macht dir doch nichts aus, wenn ich für eine Weile zu dir ziehe », (Exposition personnelle)
Galerie Patricia Schwarz, Stuttgart
« Ortung » Galerie 50 20, Salzburg
« Downtown und andere unbekannte Orte », Kunstverein Stuttgart
« 1.1. 1990 – 20. 9. 1998″, Galerie Kornhaus, Kirchheim/Teck (Exposition personnelle)
1996 Galerie Hannappel, Essen (Exposition personnelle)
Galerie Marré & Dahms, Essen (Exposition personnelle)
NORD-SÜD-FAHRT 2, Verein für aktuelle Kunst, Ruhrgebiet e.V. Oberhausen mit Joachim Fleischer, Andreas Opiolka, Erwin Herbst, Ulrike Geitel, Ulrich Dürrenfeld und Raymund Kaiser
« Die Männer und Frauen von PSR 16 20 20″, Galerie Patricia Schwarz (mit Olaf Probst)