Jusqu’à l’arrivée du nouveau millénaire, les films et les dessins animés étaient réalisés à l’aide de fines feuilles d’acétate de cellulose. Sur ces acétates, chacune des images qui donneraient vie aux personnages et aux paysages de l’histoire était dessinée et peinte. Avec l’apparition des nouvelles techniques d’animation par ordinateur dans l’industrie de la télévision et du cinéma,l’utilisation des cels1 a commencé à disparaître. Ce fait a rendu encore plus évidente la possibilité que le cel devienne un objet de collection.
Les collectionneurs de cels entretiennent un lien émotionnel fort avec leurs collections. Sur rubberslug.com, une grande communauté de passionnés d’animation partagent fièrement leurs archives avec d’autres utilisateurs. Pour eux, posséder un objet qui contient littéralement certaines des scènes les plus émouvantes et les plus passionnantes de leurs histoires de fiction préférées est quelque chose de magique.
Malheureusement, les feuilles d’acétate sont difficiles à préserver en raison de leur constitution fragile. L’humidité les déforme et la peinture utilisée se détache très facilement si elles ne sont pas manipulées avec un soin particulier. Sans compter qu’elles sont constituées d’un matériau inflammable.
Un utilisateur de rubberslug.com, désormais surnommé «Inferno», a vu sa vaste collection brûler à côté de sa maison au cours de l’été 2008. Dans cet incendie, «Inferno» a perdu la grande majorité de ses cels, et ceux qu’il a pu récupérer ont été partiellement consumés par le feu. Avec cet événement, les collectionneurs ont plus que jamais pris conscience de l’étonnante tendance à tomber dans l’oubli des formats audiovisuels modernes et de leur incapacité à résister au passage du temps, «Inferno» a perdu sa collection de cels originaux mais a reçu en échange une archive poétique de scènes animées en constante destruction.
Quoi de plus immersif, hypnotique et apocalyptique que d’avoir le sentiment que, tandis que le monde d’un personnage de dessin animé brûle, le vôtre, en tant que spectateur, est également en feu ?
Le projet Cel Inferno investit l’idée d’obsolescence et de nostalgie des formats audiovisuels. Avec cette proposition conçue pour art3, Daniel Moreno Roldán interroge le fétichisme matériel, la notion de rareté de la collection, et la spéculation économique basée sur la sentimentalité. De plus, un regard critique est proposé sur la contradiction complexe qui entoure l’archivage sentimental de ce type de formats, ainsi que sur les conflits éthiques qui en découlent.
1 Un cel, abréviation de celluloïd, est une feuille transparente sur laquelle des objets sont dessinés ou peints à la main dans l’animation traditionnelle .