Àngels Ribé, From Above.
Le premier élément à prendre en compte dans From Above est qu’il s’agit d’une installation site-specific, conçue par Àngels Ribé pour art3, et que ce format de présentation est particulièrement cher à l’artiste. Le langage de l’installation lui permet non seulement de créer une mise en scène dans laquelle le public peut circuler, un espace qu’il peut habiter et dans lequel il va avoir une part active mais, en plus, ce langage implique un rythme performatif. D’un côté, il suppose un acte d’observation individuel, intime et silencieux, et de l’autre, il cache, sous un aspect amical, un rituel collectif apparemment inoffensif mais cependant terrible.
La seconde caractéristique de From Above nous renvoie aux distances et aux échelles, dans un jeu perceptif qu’Àngels Ribé pratique depuis des années. Dans son œuvre, macro et micro cohabitent sans cesse, explorant la notion d’une nature qui n’impose aucun regard sur le paysage. Sa relation avec l’élément naturel se transforme, de ce fait, en geste ancestral, en essence pure d’une façon de comprendre l’art et la vie qui ne cherche pas à convaincre. L’artiste ne donne aucune leçon, aucune explication, ne fait montre d’aucun militantisme. Ses œuvres surviennent simplement au même rythme que surviennent les choses.
From Above mêle ainsi intimité et festivité, en écho à la littéralité poétique de son titre. L’idée d’un regard porté vers le haut traduit un désir inaccessible, cependant qu’un autre, lancé d’en haut, dissimule un acte de hiérarchie, de domination du monde alentour.
Une espèce de télescope, préparé à la vue d’une seule personne, agrandit un petit détail presque imperceptible : une pierre précieuse, un morceau de topaze aux allures de montagne, de cordillère, de monde. Un lieu solennel, sublime mais miniature et qui n’est visible que de loin. Une aspiration romantique dont la dimension effrayante disparaît pour ne laisser place qu’à la seule beauté.
Un gâteau réalisé par l’artiste, en forme de forêt enneigée, est offert au public, le jour du vernissage. Il s’agit d’un moment social, agréable et paisible bien que la condition comestible du gâteau représente une perte à petite échelle. Ainsi, From Above réunit deux expériences antagonistes : l’accession au merveilleux et la destruction indifférente de ce qui nous entoure.
David Armengol (traduction Anne-Sophie Pinard).
David Armengol (Barcelone, 1974) est un commissaire indépendant et combine sa pratique de commissaire avec la gestion culturelle. Ses projets ont été présentés dans des espaces d’art contemporain tels que Caixaforum Barcelona (2008), Matadero Madrid (2010), la Fundació Joan Miró de Barcelone (2012-2013), Fabra i Coats Centre d’Art Contemporani de Barcelone (2014), l’EAC – Espacio de Arte Contemporáneo de Montevideo, Uruguay (2015) et Bòlit Centre d’Art Contemporani de Girona (2016). Il a été le co-commissaire du pavillon de l’Uruguay à la 58e édition de la Biennale de Venise, en 2019, et a été le commissaire de deux expositions personnelles de l’artiste Àngels Ribé (2019, 2021). Actuellement, il est le directeur artistique de La Capella, centre d’art à Barcelone spécialement axé sur l’art émergent.
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