Le rideau est un dispositif où se conjuguent pour la première fois mon travail de sculpture, de dessin et d’écriture. La qualité plastique de l’installation produite fait d’abord songer à une palissade de chantiers autant qu’à un rideau de scène clôturant en partie l’espace d’exposition. Régulièrement ce volume minimal se transforme en surface de projection où s’anime en fondu enchaîné une sélection de dessins extraite d’une série débutée en 2002. Leur défilement crée un récit polymorphe, une organisation de signes accompagnés le soir du vernissage par la lecture d’un texte et durant tout le temps de l’exposition par une édition sous forme de petit recueil laissé à la disposition du public. Le Rideau a pour but de repenser la relation de la sculpture et du dessin par le biais du langage, tentant de produire un espace narratif dynamique. La sculpture. Sculpture ou accessoire ? Il s’agit pour ainsi dire d’un « moulage » de forme, d’un ready-made assisté ; en l’occurrence, une tôle ondulée dont l’aspect est modifié par le recouvrement pictural. La palissade est recouverte de plusieurs couches de couleur blanche, cette même couleur utilisée ordinairement pour les cimaises de la galerie. Elle trouve alors sa place parmi les Objets Blancs débutés en 2001 et que je considère comme un ensemble d’outils activés par l’expérience de l’exposition, selon des modalités d’accrochage toujours différentes*. Ces travaux se situent volontairement au croisement de la statuaire moderne (Arp, Brancusi) et de l’objet de consommation. Dans ce sens, mon travail plastique s’est appuyé sur une série d’observations faites en Afrique et en Europe Centrale, sur ce principe de recyclage des objets que les économistes ont décrit sous le nom de Sector Informal. S’agit-il d’une sculpture post-minimale critique à l’endroit de la tradition formaliste, d’une non-chose, fragment d’archéologie urbaine ou d’un simple accessoire au service de l’exposition ? De plus, la couleur blanche qui semblait en partie vouloir dématérialiser la pièce, lui octroyer un aspect fantomatique, s’oppose ici aux structures en bois qui soutiennent l’ensemble et dont l’exagération formelle fait songer à une baraque foraine. Cette structure insiste d’un point de vue métaphorique sur le simulacre qu’est la création d’une œuvre d’art. Il s’agit donc d’une fiction ; d’un dispositif au service de la fiction. Les dessins. La tête, espace premier. Débutée en 2002, cette série est aujourd’hui composée de 200 dessins. Chacun d’entre eux répond toujours à un ou deux gestes plastiques s’organisant sur le fond blanc de la feuille. En cela, il s’agit de projections mentales que le diaporama viendra redoubler. Vitement réalisés, abstraits ou bien figuratifs, précis dans leur tracé ou touchant à l’informel, ils s’organisent à la manière d’une écriture graphique qui dévoilerait son projet au fur et à mesure. Très vite, des sous-groupes formels apparaissent que le regardeur est invité à reconstituer selon un principe combinatoire. Un dessin a priori banal s’enrichira de la présence d’un autre, chaque fragment revendiquant de cette maniére son appartenance à un corpus plus large. Mes motifs de prédilection sont les boîtes crâniennes, les machines optiques comme paradigmes de la vision et de l’expérience sensible**. La somme des motifs sélectionnés exprime donc une réflexion sur l’image, son apparition, sa persistance rétinienne, sa disparition. Ce principe est amplifié par l’usage du diaporama, technique appelée aujourd’hui à être remplacée par de nouveaux moyens technologiques et qui désigne par la même, une forme archaïque, désuéte de la connaissance. Le choix de projeter ces dessins sur une surface ondulée abonde dans ce sens. Vue de biais, la projection est incomplète, elle semble s’échapper, irréductible à tout support. De plus, les diapositives sont autant de présences lumineuses (et sonores) que le spectateur peut contrarier par ses déplacements, sa seule présence corporelle. Stéphane Le Mercier, le 6 Avril 2007.
*Gota, Hoppe-Ritter Kunstiftung, Bad Canstatt, 2003. L’ensemble des objets blancs fut alors montré sur les socles inutilisés du lieu d’exposition tentant de recréer l’œuvre éponyme de Kasimir Malevitch. ** A noter que conjointement à ces dessins, je réalise des sculptures murales à partir de casques intégraux, défaits de leur contenu (mousse, lanière), repeints de couleur blanche et qui composent une série d’espaces d’enregistrement, de salles de projection modélisés.
Stéphane Le Mercier est né en 1964 à St Brieuc. Il vit et travaille à Marseille.
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expositions personnelles (sélection)
2008 Einladung 18, commissaire, Laurenz Theinert, Espace public, Hauptbahnhof, Stuttgart
2007
Le rideau, commissaire, Sylvie Vojik, art 3, Valence
Galerie du Tableau, Marseille
2006
Après, Galerie RLBQ, Marseille
2005
Déplacé, Galerie du Dourven, Trédrez Locquemeau
Billy never reads, une installation pour le Puits de Lumieère, Triangle, Rennes
2003
X-Olation Room, en collaboration avec Claude Horstmann, Württembergischer Kunstverein Stuttgart, Allemagne
Vous m‘avez fait former des fantômes 1, Galerie Justine Lacroix, Marseille
Vous m‘avez fait former des fantômes 2, Ritter Kunststiftung, Bad Canstatt, Allemagne Lunes noires, Surfaces blanches, avec Basserode, Institut Francais d‘Innsbruck, Autriche 2002
Everything you forget is mine, Oberwelt, Stuttgart, Allemagne
expositions collectives (sélection)
2008 Vicissitudes, commissaires, Sharon Kivland et Naomi Seghal, Université de Londres
2007 Korrespendenzen, Kunstverein Neuhausen, Allemagne 2006
Objets in waiting, End gallery, commissariat Tom Newell et Penny Whitehead, Sheffied, Hallam University
Gift, Museum Man, commissariat Tom Newell et Penny Whitehead, Liverpool, Angleterre
2005
Break on through, commissaire Suzanne Jacob, Kunstverein Neuhausen, Allemagne 2004 Propos d’Europe, Fondation Hippocrene/Agence Mallet-Stevens, commissaire Pascale Le Thorel-Daviot, Paris Passages, commissaire Mahmut Celayir, Goethe Institut, Istanbul, Turquie Galerie Exit-Art, Cologne, Allemagne